Il y a quelque temps, un ami américain demanda à Céline Poirier de lui réaliser un portrait de Mark Twain d’après une photo en noir et blanc de l’écrivain. Céline se mit au travail assez rapidement pour exécuter l’œuvre commandée, à la peinture à l’huile, dans les tons de sépia. Mais sa "rencontre" avec Twain n’allait pas s’arrêter là… La photo du personnage l’intéressait vraiment par ses contrastes et par le jeu des ombres et de la lumière qu’elle offrait aux yeux de l’artiste. Céline eut envie d’en savoir plus sur l’homme et son œuvre. Elle fit des recherches et se documenta sur celui qui, avant de se faire connaître par son roman Les Aventures de Tom Sawyer en 1876, avait fait une carrière de militaire, été imprimeur et journaliste. Romans, contes, essais, récits de voyage, autobiographie ou correspondances, Céline fut impressionnée par l’ampleur et la diversité des écrits de cet homme que l’on peut autant présenter comme romancier, que comme humoriste, essayiste, conférencier ou encore homme d'affaires. Une histoire passionnante et… inspirante pour l’artiste-peintre. Après avoir terminé l’œuvre à l’huile commandée par son ami, Céline entreprit de refaire un portrait de Twain, mais cette fois-ci sur une toile plus grande et avec une technique quelque peu différente… Elle commença par tracer les grandes lignes et par mettre en couleur le fond dans des tons de terre de sienne. Rien de très original jusque-là, sauf qu’une nuit d’insomnie, songeant aux nombreux écrits de cet auteur prolifique, Céline eut l’idée de reprendre le portrait en utilisant des mots et des phrases, déchirés dans des pages de livres. Qu’à cela ne tienne ! Elle avait déjà un très vieux livre écrit dans la langue de Shakespeare et dont les pages jaunies pourraient faire l’affaire. Il lui fallait trouver d’autres nuances de ces tons créés par l’empreinte du temps et elle se mit en quête d’autres écrits aux pages défraichies. Comme le blanc lui manquait, elle s’empressa d’aller acheter le dernier numéro de Time Magazine. C’est ainsi qu’elle put réunir les quatre tons de papier imprimé nécessaires - foncé, moyen, pâle et blanc - pour les teintes claires et exposées à la lumière. Pour les tons plus foncés, elle se contenta d’acheter du papier japonais fait main… et voilà ! L’artiste n’avait plus qu’à se mettre au travail. L’arrière-plan de Twain a été peint en violet, bleu et ocre avant d’entreprendre le collage. Les grandes lignes étant déjà présentes, Céline a ensuite "bloqué" à la peinture les ombres très prononcées du visage. Avant de débuter le collage, elle a réalisé deux photocopies de la photo de Twain, l’une très foncée et l’autre très pâle, afin de mieux percevoir les contrastes du visage. Ces images, apposées sur la toile, elle les fixera souvent tout au long de ce processus qui la captivait. Petit bout de papier par petit bout de papier, jour après jour, elle a collé, collé et collé. Prenant sans cesse du recul afin de pouvoir juger de l’effet, Céline a aussi photographié toutes les étapes afin de mieux voir sur écran les valeurs des ombres et de la lumière ainsi que leurs impacts sur les traits du visage.
Une autre nuit, alors qu’elle ne trouvait toujours pas le sommeil (preuve s’il en était que les insomnies favorisent notre créativité) l’artiste eut l’idée de réaliser le collet de la veste de Twain en utilisant certaines de ses très nombreuses citations. Ce qui fut imaginé fut fait… Céline imprima une série de citations de l’auteur, en prenant soin d’utiliser des polices de caractères différentes (elle fera en sorte que leur juxtaposition donne l’effet de rayures sur le tissu). Le tout sera reproduit en noir et blanc sur photocopieur laser afin que l’encre puisse résister au collage. Il ne restait plus qu’à déchirer les phrases en plusieurs morceaux et leur faire suivre les courbes du collet. Une fois le collage terminé, Céline a utilisé à certains endroits le violet, le orangé et la terre de sienne brûlée afin de donner le ton à l’ensemble de l’œuvre. Ces couleurs, complémentaires à celles du collage, harmonisent le tout. Elles ont été appliquées délavées afin de permettre des transparences subtiles qui ne nuiront pas à la lecture des textes et citations. Pour finir, Céline Poirier a appliqué au pinceau plusieurs couches fines de vernis acrylique pour bien sceller le collage et protéger l’œuvre. Comme ces vernis à l’eau ne permettent pas une application uniforme sur toute la surface, elle a terminé avec un vernis aérosol pour unifier le tout. Et voilà ! Non seulement l’auteur a inspiré l’artiste, mais ses pensées et ses mots font partie intégrante de l’œuvre. Les commentaires sont fermés.
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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