Les trucs à Sabby ou Ce que vous devez savoir pour votre demande de bourse dans le cadre de l’Entente de partenariat territorial J’ai la chance (immense) d’accompagner les artistes et les organismes dans leur demande de bourse au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) depuis 2013. Je n’ai pas la science infuse, mais des projets, j’en ai lus ! Je me considère privilégiée d’accomplir cette tâche à Culture Montérégie ayant toujours l’impression d’être dans les primeurs. Et pour que ce bonheur continu, j’ai eu l’idée, dans cette chronique, de partager quelques trucs avec vous et de répondre aux questions les plus fréquemment posées en lien avec le programme. J’espère que cet exercice vous encouragera, vous aussi, à déposer une demande dans l’appel de projets en cours. Une occasion inouïe Les programmes régionaux du CALQ sont des leviers importants pour votre carrière. Ces bourses étant plus accessibles que les programmes réguliers, elles constituent souvent la porte d’entrée au CALQ. Pour les artistes de la relève, les programmes territoriaux sont aussi un moyen d’obtenir la reconnaissance des pairs et de confirmer leur statut professionnel. L’accès au financement et l’impact positif sur la carrière ne sont pas les seuls avantages de ce programme, les ententes régionales du CALQ favorisent aussi :
Les Ententes de partenariat territorial en lien avec la collectivité jouent un rôle majeur en Montérégie. Alors, ensemble, allons-y ! La foire à astuces (F.A.A.) Avoir une démarche artistique substantielle et claire Il m’est arrivé de lire de très beaux projets recevables, mais dont l’essence de la démarche artistique était plutôt fade et sans grande originalité. Votre travail de recherche artistique est un peu comme votre image de marque : il représente votre unicité et vous différencie de vos pairs. Il importe de prendre le temps d’écrire une démarche cohérente qui clarifie votre cheminement créatif, votre vision et vos objectifs. Lien avec la collectivité vs votre démarche de création La particularité du programme territorial est que les projets doivent impliquer formellement des initiatives de partenariat en lien avec la communauté ou des intervenants du territoire. Qu’est-ce que cela signifie au juste? Partenariat D’abord que vous devez absolument avoir des partenaires. Ces institutions, entreprises ou organismes participent à votre projet en argent ou en service, à hauteur d’au moins 20 % de votre budget. Il peut s’agir d’une municipalité, d’une école, d’une entreprise privée, d’un organisme communautaire et j’en passe. L’implication en argent est un idéal plus difficile à obtenir, j’en conviens. Sachez donc que toutes les offres en service sont recevables et peuvent être chiffrées, telles que le prêt de locaux et d’équipements ou l’appui en ressources humaines. Vous devez donc, avant le 22 juin, avoir vos partenaires confirmés et vos lettres d’engagement à inclure à votre dossier. Cette lettre de vos partenaires confirme leur engagement et chiffre la valeur de leur implication. Lien avec la collectivité Le Programme de partenariat territorial a été conçu avec le souhait de favoriser les occasions de rencontres entre l’artiste et le public. Ces rencontres peuvent se dérouler à différentes étapes de votre processus de création. Elles peuvent avoir lieu en amont, par exemple, lorsque vos concitoyennes et concitoyens sont source d’inspiration pour nourrir votre réflexion. Ces échanges peuvent aussi prendre place en aval et impliquer des activités participatives. La représentation finale de l’œuvre terminée demeure, néanmoins, la forme classique de rencontre avec le public. La diffusion de votre art peut prendre de multiples formes. Il peut s’agir d’une exposition, d’un spectacle, d’une projection, d’une lecture publique et pourquoi pas, d’un Facebook Live ou tout autre moyen qui vous permet de partager votre démarche artistique avec l’auditoire. Je voudrais insister sur le fait que les échanges avec le public, en début ou au milieu d’un projet, doivent permettre d’enrichir votre propre démarche artistique. L’objectif premier du CALQ est de soutenir la création. Vous êtes la pierre angulaire de votre demande de bourse. Il importe de mettre l’accent sur l’évolution de votre carrière, par la recherche et l’expérimentation, et de justifier en quoi le lien avec la collectivité vient bonifier votre démarche. La bête noire : le budget La partie du formulaire la plus redoutée est sans aucun doute celle du budget. Cela étant dit, la grille budgétaire fournie par le CALQ rend l’épreuve moins hasardeuse. Les dépenses admissibles y étant déjà indiquées. Quelques précisions supplémentaires Frais de création (subsistance) – L’artiste demandeur peut inscrire un maximum de 1 700 $ par mois en frais de création. Ce montant vous permet de subvenir à vos besoins pendant la durée du projet. Vous pouvez demander la totalité du montant si vous planifiez travailler à temps plein sur votre projet (par exemple : 10 mois de frais de création X 1 700 $ (temps plein) par mois = 17 000 $). Dans le cas où vous avez d’autres engagements, vous pouvez ajuster les frais de création selon votre situation (10 mois de frais de création X 850 $ (temps partiel) = 8500 $). Le jury prendra en compte la faisabilité de votre projet selon votre échéancier. Le montant doit être proportionnel à la charge de travail envisagée pour la période donnée. Si vous déposez un projet en collectif, c’est l’artiste demandeur qui reçoit la bourse et qui devra ensuite remettre les cachets aux artistes participants. Pour les organismes, le formulaire du Programme de partenariat territorial ne contient pas de grille budgétaire, par contre, vous pouvez utiliser et adapter les grilles des programmes réguliers. À titre de référence : Manifestations et présentations publiques (onglet Outils et références - document EXCEL). Frais de déplacement – N’oubliez pas, dans votre budget, de calculer vos déplacements (aller-retour) en lien avec la réalisation de votre projet. Vous pouvez réclamer un maximum de 0,43 $ du km. Vous devez absolument présenter un budget équilibré. Ce qui signifie que lorsque vous soustrayez les dépenses des revenus, le total est zéro. La liberté est dans l’échéancier Vous trouvez peut-être que j’exagère… Oui, un peu. Mais quand même! L’échéancier du Programme de partenariat territorial n’est pas fixe dans le temps. Vous pouvez amorcer votre projet au moment de l’année qui vous convient et ajuster la durée selon vos besoins. Il n’y a aucun problème à ce que votre projet dépasse une année complète de réalisation. En revanche, je ne vous suggère pas de l’étendre indéfiniment. Une période qui s’échelonne entre six et dix-huit mois se justifie convenablement, à mon avis. Moins de six mois et plus de deux ans sont des laps de temps qui ouvrent à une panoplie de questions de la part du jury. Au bout du compte, la seule et véritable condition est que votre échéancier soit justifiable et logique. Expliquez bien votre plan de travail et les différentes étapes de ce dernier. Le secret est dans les détails Je crois que le meilleur conseil que je peux vous donner est d’éviter les zones grises. Ne lésinez pas sur les détails! L’ambiguïté ce n’est pas payant. Plus votre projet sera bien ficelé, davantage le jury sera en confiance et plus grandes seront vos chances d’obtenir la bourse. Lors de la rédaction de votre demande, gardez en tête les objectifs du programme et les critères d’évaluation selon lesquels le comité de sélection déterminera, au mérite, les meilleurs projets à financer :
(Source : CALQ) Vous avez d’autres questions ? Je suis là! [email protected], 450 651-0694 ou sans frais 1 877 651-0694, poste 222. Qui ne risque rien n’a rien, alors, osez! Photo de Sabrina Brochu : Daniel Bouguerra
Dans ma dernière chronique, j’ai parlé du vent de changement qui soufflait sur l’enseignement des arts au Québec. Et bien, j’ai retenu mon souffle lorsque j’ai pris connaissance des nouvelles statistiques que l’Institut du Québec a publiées sur le décrochage scolaire et la performance des garçons. L’étude démontre que le Québec est bon dernier en matière de diplomation au Canada et que l’écart avec les autres provinces tend à s’accroître. À peine 64 % des élèves obtiennent leur diplôme de secondaire en cinq ans dans le réseau public au Québec, contre 84 % en Ontario. Un courant dominant laisse également entendre que les garçons réussissent mal à l’école et que celle-ci n’est pas adaptée à leurs caractéristiques et à leurs besoins. Et pour preuve, c’est au Québec que l’écart entre le taux de diplomation des filles (71 %) et des garçons (57 %) est le plus prononcé. Comme beaucoup de Québécois, je suis restée perplexe devant ce constat alarmant. Pour quelles raisons un petit gars d’ici aurait moins de chances d’obtenir un diplôme que le même petit gars de l’autre côté de la rivière des Outaouais? Évidemment, je ne me substituerai pas aux experts pour trouver des solutions, toutefois j’aimerais vous partager mon expérience dans une école de la région. Depuis le début de mois de mars, je dispose à l'école primaire Birchwood de Saint-Lazare, d'un local qui me sert d'atelier pour accueillir 18 classes de la maternelle à la 6e année. Le volet Une école accueille un artiste du programme La culture à l’école appuie des séries d'ateliers créatifs de nature pratique, animés par des artistes professionnels à l’intention des jeunes en milieu scolaire. Cette résidence d’artiste permet aux élèves de l’école Birchwood de participer à un travail d’expérimentation de dix semaines et me donne la possibilité de vivre une expérience en milieu scolaire et de m’en inspirer pour créer des oeuvres collectives et personnelles. Les élèves de cette école participent donc à la réalisation d’une immense murale intitulée Canopy, care, create, connect et à deux projets parallèles qui me donnent l'opportunité d’offrir des ateliers artistiques de qualité à des plus petits groupes. Pendant que j’enseigne les notions de peinture à l’éponge à certains élèves pour réaliser la murale sur des panneaux en PVC, les autres s’appliquent à faire du tissage circulaire. À l’issue de ces semaines d’accompagnement, la grande majorité des élèves aura, entre autres, réalisé une partie de la grande murale extérieure, tissé les petits nids d’une installation intérieure, assemblé un nid géant et peint des maisonnettes d’oiseaux très colorées. Mon espace de création étant dans l’atrium, ils ont pu constater l'avancement du projet collectif et poser des questions. Étonnamment, j’ai eu beaucoup plus de questions de la part des garçons qui sont intrigués par le matériel, les outils, les étapes de production, mais aussi l’installation à venir. Lorsque je prépare des ateliers artistiques de cette nature et de cette ampleur, j’essaie d’anticiper toutes les éventualités. Par expérience, je savais que les garçons comme les filles seraient grandement intéressés par la complexité de la murale. Toutefois, j’avais un doute quant aux garçons. Je me demandais s'ils allaient trouver leur compte dans la réalisation d’une œuvre tissée utilisant des bouts de laines et des aiguilles, puisque le tissage peut sembler à priori une activité correspondant plus aux goûts des filles. Pourtant, à ce jour, chaque classe a reçu six ateliers d’une heure et je n’ai pas eu de petit décrocheur !!! Pourquoi me direz-vous?
J’ai accordé une grande place à l’action, à la manipulation et au concret tout en leur permettant une souplesse dans la façon de faire; je les ai laissé bouger et tisser debout à condition que leurs doigts s’activent. Le CD dont j’avais préalablement ajouté un certain nombre de fils devait avoir un nombre impair de fils de chaîne pour que le motif se décale à chaque tour et créer un effet de spirale. Le nombre de fils représentait également des fractions et les bouts de laine qui variaient de 50 à 100 cm de longueur. J’ai également fait un lien entre la réalisation d’un nid en tissage circulaire et les spirales qui existent dans la nature (coquilles d’escargots, cactus, nébuleuse). Sans le savoir, ils faisaient des mathématiques et par l’analogie, ils faisaient des liens avec la biologie et l’astronomie. Si pour la plupart, c’était un défi de tisser sur une si petite surface et de surcroît recto-verso, j’ai été étonnée de les voir arriver avec le sourire aux ateliers en démontrant un intérêt qui n’avait pas diminué après 6 heures d'atelier. Plusieurs garçons ont même demandé à faire un deuxième nid. Est-ce qu’il faut enseigner différemment aux garçons, alors? NON, ça passe davantage par les centres d’intérêt, par les défis, par les accommodements à bouger et peut-être aussi par les arts. Les expériences dans les arts offrent de nombreux avantages intrinsèques et extrinsèques aux élèves du primaire. Les avantages intrinsèques comprennent des occasions de développer la créativité et l'imagination, et d'exprimer la joie, la beauté et l'émerveillement. Les arts présentent également des occasions d'enrichir la qualité de leurs vies et de développer des moyens efficaces d'exprimer des pensées, des connaissances et des sentiments. Mon travail d’artiste en milieu scolaire consiste à transmettre la meilleure technique artistique pour le projet proposé et à mettre les élèves en confiance pour que leur créativité soit stimulée. Ceci étant, je reste persuadée que si un élève aime son enseignant, il aura beaucoup plus envie d’apprendre. Mon premier défi est alors de réussir à créer des liens en m’intéressant à ce qui les intéresse… le hockey, les jeux vidéos ou à toute autre activité qui pourrait les passionner. Lorsque je parle des outils que j'utilise (perceuse, sableuse, torche à souder), ça impressionne les garçons! En fait, je suis un peu ratoureuse: je passe par différents chemins pour capter leur attention et les intéresser au projet que je leur soumets. Je fais volontiers place à l’improvisation et je leur permets d’expérimenter dans un souci d'atteinte d'autonomie. Dans les groupes qui comportent de nombreux élèves, je n’hésite pas à faire appel aux plus débrouillards pour aider les autres. Par exemple, lorsque j’ai constaté lors du projet des nids que très peu d’enfants du primaire savaient faire des nœuds, je leur ai donc enseigné la méthode puis je me suis entouré de jeunes spécialistes des nœuds pour aider les autres enfants. Naturellement, les garçons sont comme des spirales d’énergie où le courant emmagasiné doit être libéré et canalisé pour mieux fonctionner et éviter de provoquer des réactions non souhaitées. Les garçons ont besoin de concret, ils sont aussi plus visuels et ont besoin de bouger. Réalisations de Sprice Machines & Dynamic Domino À l'instar de cette spirale faite de 12,000 dominos, j'espère que le Ministère de l'éducation et tous les responsables des programmes pédagogiques puissent trouver et assembler toutes les pièces de ce grand casse-tête afin que scolarisation des garçons s'arrime enfin à celle des filles. Plus que jamais, La réussite scolaire représente un enjeu majeur pour le Québec. Bibiographie Jessica Nadeau - "L’Ontario fait réellement mieux que nous" en matière de diplomation, Le Devoir, 5 mai 2018. Pierre Potvin - Le problème de réussite scolaire des garçons - Collège du Mont-Sainte-Anne, Sherbrooke, 6 mai 2011. Robin Renault - "Arts plastiques et créativité : une question de genre?" Faculté d’éducation, Université de Sherbrooke. Photo de Madeleine Turgeon : Daniel Bouguerra
Bien sûr je comprends la démarche et je la soutiens même dans bien des cas. Je ne jette la pierre ni au commerçant, ni à l'artiste, mais si j'ai pris la peine d'exagérer volontairement mes propos c'est parce que malheureusement, cette pratique est devenue monnaie courante et que certains artistes font désormais partie des plus grands bénévoles accouchés par une société qui banalise un peu trop leur travail de création. Plus grave encore, certains d'entre-eux payent pour travailler et pour exposer, avec l’unique espoir de se faire un nom. J’en connais même qui ont déboursé des 2 et 3000 dollars pour avoir un article dans un magazine d’art et parfois beaucoup plus pour pouvoir exposer à Montréal, Paris, New York ou ailleurs, dans des galeries dont l’objectif unique n’est pas de les promouvoir mais de faire de l’argent. Imaginez, dix artistes qui versent 3000 dollars chacun, c’est déjà 30.000 dollars qui entrent dans la caisse de la galerie avant même que ne commence une exposition qui finalement ne durera que quelques jours… Ces artistes, dont je comprends parfaitement l'intention, doivent quand même être conscients que personne n'est dupe et encore moins les professionnels de l'art. Tous connaissent les magazines, les galeries ou les lieux de diffusion où il suffit de payer pour être représenté. Ils pourront dépenser des milliers de dollars, ces expériences n’apporteront aucune valeur ajoutée à leur CV, bien au contraire! Galeries, festivals, symposiums et autres salons… il en coûte de plus en plus cher aux artistes pour avoir ne serait-ce que le plaisir de montrer ce qu’ils savent faire. Outre les coûts d’inscription et les prix des kiosques qui ne cessent d’augmenter, l’artiste doit aussi faire face à des frais de production, de déplacement et parfois même d’hébergement et de restauration; sans compter le transport et l'installation du matériel, ainsi que le temps passé sur place. Tout ça dans l’espoir de réaliser une vente et toujours au nom de cette sacro-sainte visibilité qui finit par leur coûter tellement cher que certains baissent définitivement les bras ou décident d'emprunter d'autres voies comme le web et les réseaux sociaux par exemple. Le concept de la visibilité est aussi allègrement pratiqué en région, par des organisations qui, se drapant dans la bonne conscience de la promotion de l'art et des artistes locaux, leur demandent de plus en plus d’exposer leurs œuvres dans leur hall d’accueil ou leur salle de réunion par exemple. Salle de réunion fréquentée de temps en temps par quelques personnes, quelques cadres qui ont probablement d'autres préoccupations et d'autres chats à fouetter que la richesse des textures, des ombres et des couleurs. Les œuvres de l’artiste finiront très vite par se fondre dans le paysage, au même titre que la plante verte, le téléphone, l’écran de projection ou la cafetière. Tu parles d’une visibilité! Si certains organismes proposent un cachet aux artistes, la plupart d'entre eux ont surtout trouvé là une bonne manière d'apporter un peu de couleurs à leurs murs et de changer régulièrement de décor à moindre coût. La visibilité a bon dos. J’aimerais proposer à tous ceux qui en vantent les vertus (dans leurs propres intérêts la plupart du temps), d’essayer de payer leur épicerie ou de régler leur facture d’électricité avec de la visibilité. Pas sûr que ça fonctionne! N’allez surtout pas penser que je m’élève contre ce fameux concept de visibilité. Il est important pour un artiste, voire même indispensable, mais pas à n’importe quel prix! Si certains projets y font insidieusement appel pour assouvir les besoins de reconnaissance (ou les besoins pécuniers) de leurs organisateurs, d’autres sont conçus et élaborés uniquement pour permettre aux artistes d’être connus du plus grand nombre. Ce fut le cas par exemple pour le projet "À table avec les artistes" pour le restaurant Patate & Persil de Vaudreuil-Dorion que je vous invite à découvrir ici. Chaque table réalisée par un artiste a été identifiée, photographiée et largement diffusée sur le web, avec le nom du créateur, celui de l’œuvre et la mention des techniques utilisées. Ce restaurant est fréquenté par des dizaines de milliers de clients chaque année et bon nombre d’entre eux ont découvert des artistes de la région qu’ils ne connaissaient pas encore et à qui ils commanderaient volontiers une œuvre. Des photos des tables circulent sur les réseaux sociaux et avec elles, les noms des artistes qui les ont réalisées. Le restaurant est devenu la plus grande exposition permanente de la région avec 27 tables d’artistes déjà installées sur une quarantaine de prévues. Un projet gagnant/gagnant… pour Éric Blais, le propriétaire de ce restaurant qui attire une clientèle de plus en plus nombreuse, pour les artistes dont le style et les noms désormais connus circulent et pour le grand public qui vit chez Patate & Persil une expérience unique et une immersion dans l'univers créatif d'artistes locaux qu'ils découvrent enfin. Tous les ingrédients de réussite sont réunis dans ce projet: augmentation prévisible du chiffre d'affaires du restaurant, notoriété et visibilité incroyable pour les artistes et plaisir des clients... le tout baigné d'un d'un grand sentiment d'appartenance et d'un élan créatif devenu contagieux. Ce projet a également démontré, si besoin était, que l’Art et les Affaires pouvaient faire bon ménage. Espérons que cet exemple soit suivi ailleurs, mais en n’oubliant jamais l’intérêt de nos artistes. C’est eux qui sont importants dans une société qui plus que jamais a besoin de rêve, d'évasion et de couleurs. Et ça, ça n'a pas de prix! C'est vrai que les artistes font énormément de bénévolat et donnent beaucoup de leur temps. Mais ce n'est en rien une nécessité pour eux de le faire à tout bout de champ... Laissons-leur au moins la liberté de choisir leurs causes et de servir celles qui leur sont chères. “Si on payait mieux les bénévoles, ça donnerait peut-être envie à plus de gens de travailler gratuitement” a dit le dessinateur humoristique Philippe Geluck. Certains devraient y réfléchir un peu... Photo de Christian Gonzalez : Daniel Bouguerra
Photo : Christian Gonzalez Il y a quelques années un ami avait reçu la visite d’un parent de France qui lui avait apporté un cadeau fort intéressant. Il s’agissait d’une reliure d’une dizaine de pages constituée d’une série de dessins illustrant une scène urbaine traditionnelle. Au fil des pages quelques transformations ici et là modifiaient discrètement la scène puis le rythme des changements s’accélérait au point ou les traces de l’image d’origine se faisaient plus difficiles à déceler. Au final plus rien ne transpirait du lieu d’origine, sauf peut-être quelques vestiges paraissant incongrus et hors contexte. Trente ans plus tard ce petit fascicule est resté gravé dans ma mémoire, sorte de témoin en accéléré des changements qui peuvent s’opérer dans une ville en l’espace de quelques générations. La région de Vaudreuil-Dorion n’est pas en marge de ce phénomène. Il suffit de circuler de l’avenue Saint-Charles vers la périphérie pour constater les différentes phases de la transformation du tissu urbain. La ville est toujours fascinante, c’est un livre d’histoire qu’il suffit de parcourir pour en saisir le cheminement à travers ses phases de développement.
Avec le développement de la société de consommation, la façon de concevoir les villes s’est modifiée, les habitudes de déplacement se sont transformées, conséquence inévitable de l’accroissement du parc automobile. Les commerces se sont regroupés sous la forme des "strips" commerciaux de l’après-guerre, alignement banal de petits locaux que seules les enseignes permettent de différencier du voisin. Ils sont aussi caractérisés par la zone de stationnement les séparant de la rue. L’architecture s’exprime désormais (du moins dans ce domaine) par une simplicité des lignes, une facture moderne, une économie de moyen mis au service de la fonctionnalité. Cette formule s’est imposée comme modèle dans l’aménagement de nouvelles rues. Le boulevard Harwood constitue un bon exemple d'artère dédiée spécifiquement à l’usage commercial.
Le nouveau modèle depuis une décennie est celui du retour aux "strips" commerciaux. Il résulte pour beaucoup des récentes crises économiques qui ont forcé les propriétaires de centres d’achats à réviser leur plans d’affaire, à la recherche d’une formule moins dispendieuse et exigeant moins d’investissements (qui dit mails intérieurs gigantesques, foires alimentaires à perte de vue, dit espaces à chauffer, à climatiser, à entretenir et à revamper périodiquement). Photos : Christian Gonzalez La saveur du jour est désormais aux rues commerciales dont les façades sont immenses et souvent exubérantes afin d’attirer l’attention puisque l’on circule à bonne vitesse en voiture sur de larges boulevards urbains qui se situent à mi-chemin entre la rue et l’autoroute (boulevard de La Gare à Vaudreuil-Dorion, par exemple). À une époque ou le souci de l’environnement est omniprésent, cette approche est questionable : la quantité énorme de matériaux requis pour la construction de tels géants est indécente, la création de très gros volumes à chauffer et climatiser qui n’ont pour raison d’être que le coup d’œil, les stationnements à perte de vue, cause principale des îlots de chaleur considérés comme néfastes. Ce design procède du même principe de mise en marché que celui des emballages plus gros que le produit qu’ils contiennent. Think big… Les banlieues sont à mille lieues de la tendance qui souhaite un retour à un mode de vie moins énergivores, plus en accord avec le développement de villes conçues à l’échelle humaine. Notre réseau routier en témoigne. La ville est cernée d’autoroutes qui l’étranglent et rendent son expansion naturelle impossible. Pour en sortir, il faut emprunter de gigantesques échangeurs, si vastes que les portions gazonnées qu’ils englobent ont la taille de terrains de football ou de quartiers résidentiels. Lorsqu’on songe aux gens qui habitent, s’épanouissent et contribuent à l’essor de la ville, est-ce ce genre d’endroits qui nous vient à l’esprit? Assiste-t-on dans ces nouveaux temples de la consommation à des événements festifs (mosaïcultures, festival du cirque)?, à des rassemblements populaires (fête nationale et autres)? Les artistes ont-ils le réflexe d'utiliser de tels boulevards pour l’installation d’une œuvre d’art publique? Voit-on ces environnements dans les feuillets promotionnels ou touristiques de la ville? Poser ces questions c’est déjà y répondre... Ce qui forge la personnalité d’une ville, outre la spécificité de sa géographie, c’est la diversité des initiatives de développement, toutes plus originales et différentes les unes des autres, tel une famille ou chacun contribue par son caractère à donner une identité au groupe. Il n’est pas évident que ces opérations de décapage de nos campagnes à grand coup de bulldozer sur des kilomètres en quelques mois contribuent à la définition de l’identité locale et de la spécificité régionale. Un malheur n’arrivant jamais seul, c’est la même opération qui se déploie partout au Québec avec les mêmes décors préfabriqués, tristes portes d’entrées sur des villes devenues banales, monotones et impersonnelles. Des décennies d’urbanisme pour en arriver à des environnements d’une froideur saisissante qui ont l’allure de décors de scène grotesques en papier mâché , l’âme et la vitalité d’un parc industriel un dimanche soir. Pas toujours heureux de remettre le sort de nos villes entre les mains des promoteurs. Un peu dommage tout cela, non? Photo de Pierre Laurin : Daniel Bouguerra
Je n'avais pas envie de vous parler d'un livre en particulier. Bien que j'adore lire et me laisser imprégner par une histoire, un personnage coloré ou tout simplement des mots, je préfère aujourd'hui vous parler de ceux-ci. C'est-à-dire des mots qui font partie du quotidien. Les mots qui nous permettent d'ajouter de la couleur dans nos vies et de communiquer nos idées aux autres. Mais les mots sont plus que ça encore. Laissez-moi vous dévoiler ma vision personnelle des mots, afin que vous sachiez à quel point ils peuvent être ce que nous sommes vraiment. Si les mots pouvaient parler Voyage Il existe ce simple mot : voyage. Lorsque nous entendons ce mot, il n'a pas la même signification pour chacun d'entre nous. Certains y verront la mer turquoise et ses plages désertes. D'autres s'imagineront de hautes montagnes enneigées, et quelques-uns auront à l'esprit la savane. Il y a des milliers de possibilités d’entrevoir le mot voyage. Chacun y trouve son sens et construit sa propre image. Le voyage peut avoir des saveurs et des odeurs bien définies. Il peut être associé à de l'aide humanitaire, à la découverte d'une nouvelle culture, ou au repos en famille. Selon nos expériences de voyages et nos souvenirs, notre cœur emmagasine des tonnes d'informations qui demeurent en nous et qui nous permettent de considérer certains détails plutôt que d'autres, afin d'enrober chaque mot entendu. Livre, révèle-moi C'est pour cette raison que le livre est plus révélateur que le film. Il a beaucoup plus d'impact sur notre ressenti et sur notre imaginaire. Il prend la couleur de notre personnalité. Souvent, lorsqu'une histoire écrite dans un livre se retrouve sur nos écrans, nous sommes déçus du résultat. Notre déception vient en partie de notre perception. La raison en est toute simple : vous avez lu le livre, vous aviez une idée précise des traits du personnage principal et de son environnement, qui ne correspondent pas à ce que vous découvrez dans le film. Vous vous étiez créé, pour vous-même, un monde personnel provenant de vos propres expériences de la vie et vous l'avez enrichi avec les mots de l'auteur. C'est pourquoi vous vous étiez autant attaché à cette histoire qui, d'une certaine façon, vous appartenait un peu. Le film, quant à lui, est le résultat de l'imaginaire d'autres personnes qui décident de rendre réel ce qui ne l'est pas. Ces individus sont souvent très loin d'avoir les mêmes expériences que nous et leur vision du monde est teintée de leur propre bagage. Ce qui fait en sorte que, parfois, les images que nous voyons sur l'écran viennent à l'encontre des images que nous nous étions faites. C'est pour cette raison, entre autres, que nous n'arrivons plus à nous identifier à l'histoire de la même manière que nous l'avions fait dans le livre. Le mouvement imaginaire Je ne veux pas dénigrer le film ici, je tiens plutôt à mettre en lumière toute la puissance des mots dans un livre. Leur force s'ancre dans la profondeur mystérieuse de nos perceptions. Le plus étonnant de la chose, c'est que je crois qu'il n'y a pas de limite au mouvement de notre imaginaire. Ce sont les mots, qui, une fois assemblés par un écrivain minutieux et sensible, arrivent à créer des mondes absolument fabuleux dans lesquels on se sent vivre nous aussi, d'une certaine façon. Ce mouvement de l'imaginaire nous permet de grandir et d'enrichir notre coffre d'expériences, en nous dirigeant vers des pistes de réflexion. Il nous amène vers une plus grande ouverture d'esprit et permet d'amasser de précieux trésors : des impressions, des idées, des réflexions, des émotions uniques et parfois bouleversantes qui nous transforment. Ce que je ressens En résumé, le fait d'être dans l'action d'une histoire construit la personne que nous sommes et la société dans laquelle nous vivons. Un peuple qui lit est un peuple éveillé sur le monde, sur la différence et sur les grandes remises en question qui nous accompagnent vers notre évolution. Je mettrais ma main au feu que vous n'aviez pas pensé à la présence enveloppante des mots, à leur signification et à leur pouvoir fulgurant de transcendance. Si nous portions davantage attention aux livres, le monde serait un immense terrain de jeux des plus riches et des plus renversants pour faire fleurir l'ensemble de l'humanité. "Les mots sont des perles qui brillent, l'essentiel est de savoir les porter." Photo de Marie-Belle Ouellet : Daniel Bouguerra
Il a de ça 50 ans vous direz, mais, le rapport Rioux a profondément influencé la manière de concevoir la formation artistique et l’enseignement des arts dans la province. Essentiellement, c’est sur les bases de ce rapport que s’appuie l’enseignement les quatre arts (les arts plastiques, la danse, la musique et le théâtre) dans les écoles primaires, secondaires, les cégeps et les universités. Cette grande mobilisation initiée par l’UQAM a comme objectif de susciter une nouvelle mobilisation concertée entre partenaires d’horizons divers pour une valorisation des arts dans le système d’éducation québécois et dans la société. Tous les partenaires impliqués ont voulu souligner cet anniversaire en dressant un bilan de ce qui a été accompli et évaluer le chemin qui reste à parcourir. Près de trois cents personnes et organismes œuvrant dans les secteurs des arts, de l’éducation et de la culture ont répondu à l’appel afin d’échanger sur la place des arts dans la société et sur la formation artistique générale et professionnelle. C’est à titre d’artiste et médiatrice culturelle oeuvrant dans le milieu scolaire par l’intermédiaire du programme Culture à l’école que je venais témoigner de mon expérience. Durant ce grand rassemblement, quatre volets ont été abordés en table ronde pour finalement arriver avec des recommandations qui serviront de point de départ pour pousser la réflexion plus loin: 1 : Un nouveau contexte, de nouveaux possibles 2 : Les arts à l’école 3 : Interculturalité et formation artistique 4 : La création contemporaine J’ai été rassurée de constater que tous s’entendent pour dire que l'éducation artistique doit commencer à l'école primaire, s'ouvrir au monde contemporain et privilégier le contact avec les artistes. J’ai été ravie de découvrir également le récent programme ÉducArt initié par le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Pour réaliser cette plateforme numérique unique et novatrice au Canada, le MBAM est allé à la rencontre d’enseignants et d’experts aux quatre coins du Québec pour concevoir un outil pédagogique à l’intention des enseignants, mais également du grand public. Cet ambitieux projet éducatif interdisciplinaire fondé sur les collections, est une initiative de Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du MBAM et de Mélanie Deveault, historienne de l’art qui a été mandatée pour sa conception. Cette plateforme qui a nécessité près de quatre ans de travail a été accueillie avec enthousiasme par les participants du Symposium Cultiver l’enseignement des arts au Québec. Et avec raison! Ce projet évolutif, bilingue et gratuit est un outil unique et novateur qui explore 350 des 43000 œuvres du musée afin d’aborder et de faire des liens avec des différentes thématiques et questions sociales. À partir de la page d’accueil, les utilisateurs peuvent accéder aux différentes activités en choisissant parmi les 17 planètes qui représentent chacune un thème différent associé à une ou plusieurs oeuvres: Altérité, cœur, communiquer, corps, demain, diversité culturelle, écologie, famille, féminisme, libertés, lumière, mémoire, paix, résilience, rue, territoires et identités, transactions... C’est près d’une soixantaine d’experts et personnalités publiques de divers horizons qui ont été mis à contribution, dont le biologiste Boucar Diouf, l’auteur Simon Boulerice, l’auteure-compositrice-interprète Chloé Sainte-Marie, l’animateur et comptable agrée Pierre-Yves McSween, la poète du slam Queen Ka, et le cardiologue Jean-Claude Tardif. À travers des capsules vidéo de quelques minutes, ces experts posent leur regard sur des œuvres sélectionnées, explorent des thèmes et offrent une porte d’entrée accessible permettant de les apprécier à travers leur vision.
ÉducArt c’est également une série de projets pédagogiques qui sont le fruit d'une cocréation du MBAM et de la communauté scolaire des dix-sept régions administratives du Québec. Ces projets s’inscrivent dans une perspective interdisciplinaire et soulignent tous les liens pouvant unir diverses œuvres tirées de la collection du Musée à des notions propres à différents domaines de formation. ÉducArt permet donc aux éducateurs de toute discipline de voir comment une peinture, une sculpture, un artefact ou une photographie peut servir de point de départ pour enseigner les mathématiques, les sciences ou encore l’histoire. Un centre de ressources est accessible en ligne pour faciliter la recherche d’œuvres, de capsules vidéos ou de textes à l’aide de certains critères. Les enseignants sont invités à concevoir des activités d’apprentissage en utilisant les ressources iconographiques et didactiques de la plate-forme. Les activités ainsi générées viendront ensuite enrichir la banque de projets disponibles à la communauté des utilisateurs. Le coeur d'un projet
Les travaux vont se poursuivreL’UQAM et le MBAM viennent d'amorcer une petite révolution culturelle, et je m'en réjouis! Leurs démarches s’inscrivent dans un esprit de collaboration et de réflexion commune avec de nombreux partenaires du milieu culturel, soucieux d’améliorer l’enseignement des arts au Québec. L'offre culturelle est appelée à changer et les artistes pourront être au cœur de nouveaux projets éducatifs s’ils le souhaitent. Pour donner suite à ce symposium, le 20 avril prochain se tiendra un forum à l'UQAM qui réunira des enseignants en arts de différentes commissions scolaires afin de réfléchir au projet éducatif québécois et à la place que doit y occuper la formation artistique. Un cycle de quatre grandes conférences se déroulera également à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et au Musée des beaux-arts de Montréal. Les deux premières auront lieu à l'automne 2018 et les deux autres à l'hiver 2019. Je vous tiendrai au courant des développements. Bonne découverte sur le site ÉducART ! Photo de Madeleine Turgeon : Daniel Bouguerra
Pendant les Jeux olympiques de PyeongChang, j’écoutais un entraîneur expliquer que les athlètes étaient préparés plusieurs mois ou même plusieurs années à l’avance, avec une précision quasi-scientifique qui leur permettait d’être au summum de leur forme au J et à l’heure H. Être en pleine possession de ses moyens à l’instant précis où la compétition commence… condition sine qua non pour avoir une chance de voir son nom gravé à tout jamais sur les tablettes des Olympiades. Cette évidence nous démontre aussi que corps et cerveau fonctionnent parfois différemment et que dans certains domaines, notamment celui de l’art, la pleine possession de ses moyens n’est pas toujours gage de réussite… Je sais, vous vous demandez déjà où je veux en venir… Eh bien, c’est simple! Nul ne peut nier que quelques-uns des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature, de la musique, de la peinture et même du cinéma ont été réalisés par des artistes qui étaient loin d’être en pleine possession de leurs moyens. Certains étaient malades, d’autres sévèrement handicapés, sans parler de ceux, beaucoup plus nombreux, qui allaient chercher leur inspiration dans les effluves de l’alcool, les volutes de la marijuana ou de substances encore plus dures. Dans tous les cas, on sait que les plus grands créatifs sont aussi parfois de sacrés névrosés.
Le domaine de la musique nous livre également quelques exemples de handicaps surmontés pour créer des chefs-d’œuvre, notamment avec Ludwig van Beethoven. Souffrant d’acouphènes dès l’âge de 26 ans, il composa, entre autres, la 3ème Symphonie, dite "Héroïque" alors qu’il n’entendait presque plus rien et lors de la première représentation publique de sa 9ème symphonie, en 1824, à Vienne, il était totalement sourd. Près de deux cents ans après sa mort, la surdité de Ludwig van Beethoven et son impact sur son oeuvre musicale continuent de passionner les chercheurs. Si notre état de santé et notre forme physique peuvent avoir un impact sensible sur notre processus créatif, il en est de même avec les émotions, surtout si elles sont profondément ressenties. Les plus belles chansons d’amour ont été écrites par des personnes inconsolables après une rupture ou la perte d’un être cher et les plus beaux hymnes à la vie par des artistes ayant tutoyé la mort. Une sorte d’état second, que certains chanteurs et musiciens n’hésitent pas parfois à recréer de manière artificielle en ayant recours à des substances aussi illicites que dangereuses, notamment dans l’univers de la musique pop et du rock. Le Festival de Woodstock, organisé en août 1969, en fut probablement la plus grande démonstration. La drogue y a allégrement circulée, tant dans le public que sur la scène mais Janis Joplin, Joe Cocker, Santana, Jimmy Hendrix, Jefferson Airplane ou encore les Who, pour ne citer qu’eux, y ont livré d'incroyables prestations et des chansons qui ont fait le tour de la planète et que l’on écoute toujours, près de 50 ans plus tard. Que les choses soient claires… je ne suis pas en train de vous faire l’apologie de l’alcool ou de la drogue. C’est la raison pour laquelle j’ai aussi évoqué les névroses, les handicaps et la maladie. J’ai simplement essayé de mettre le doigt sur une réalité à maintes fois démontrée : hormis certaines disciplines très physiques, comme la danse par exemple, si la pleine possession de ses moyens n’a jamais été un critère de poids dans le domaine de l’art et de la créativité, la possibilité de savoir (ou de pouvoir) sortir de sa zone de confort, de son état "normal", ouvre souvent les portes de fantastiques explorations et de superbes découvertes de soi-même. Certains artistes ont recours à des méthodes artificielles et parfois peu orthodoxes pour y parvenir. D’autres, de plus en plus nombreux, ayant compris l'intérêt de sortir un peu la tête de leur bocal et d'aller explorer d'autres avenues, y parviennent de manière tout-à-fait naturelle mais en travaillant très fort sur eux-mêmes. C’est bien entendu la voie que je vous suggère... Photo de Christian Gonzalez : Daniel Bouguerra
L’histoire raconte que l’ancien directeur de Culture Montérégie, Dominic Trudel, a été frappé d’une illumination alors qu’il prenait sa douche. Il cherchait depuis des lunes une façon d’expliquer clairement le statut professionnel des artistes en arts visuels. Il a eu une vision. S’empressant et s’extirpant de l’eau pour se lancer à la recherche du duo papier-crayon, les cheveux en bataille et encore gorgés de savon, pour griffonner ce qui allait devenir mon outil chouchou : une représentation graphique du marché de l’art. [Soyez sans crainte, ce récit ne vous conduira nullement dans une nouvelle explication des lois S32.01 et S32.1.] En tant qu’artiste en arts visuels et en fonction de votre démarche artistique, vous avez avantage à vous positionner dans le marché de l’art. Cet exercice vous permettra de mieux orienter votre énergie et de faire des choix éclairés pour le développement de votre carrière. À partir du centre Deux directions diamétralement opposées se présentent à vous : la pratique de l’art traditionnelle et celle avant-gardiste, puis toutes les variantes qui se trouvent entre les deux. Si vos yeux s’orientent vers la gauche, vous êtes probablement un artiste qui se préoccupe de la valeur esthétique (et parfois utilitaire) de votre travail comme finalité. Vous aimez reproduire des paysages qui vous ont marqué, vous pouvez dessiner, peindre ou encore photographier des gens et des scènes de la vie quotidienne qui vous interpellent, ou alors créer des œuvres abstraites inspirées par l’émotion. Vous évoluez de la figuration jusqu’à l’abstraction, quelque part entre le beau et le réel. Pour les gens qui vous entourent, votre art est rassurant et reconnaissable. Vos clients apprécieront votre talent et vos rendus. Ils achèteront par coup de cœur et parce qu’ils souhaiteront préserver ce sentiment agréable et l’emporter jusqu’à leur demeure. Situé dans le premier tiers, votre art profite de la plus grande masse critique d’acheteurs. Votre marché est principalement celui des symposiums, des galeries commerciales et de la vente en ligne. Si vos yeux sont plutôt restés rivés vers le milieu, à la frontière entre votre perception du beau et vos questionnements sur des sujets et des techniques qui vous animent, vous êtes fort probablement dans une démarche artistique conceptuelle. Construire, déconstruire et reconstruire l’idée avec l’objectif de la pousser plus loin vous motive à créer. Quand même préoccupé par le rendu, vous concevez des œuvres ayant de fortes caractéristiques esthétiques qui attirent le regard des passants. Vous pourrez même parfois sentir le point d’interrogation qui brouille leur vision. Si vous arrivez à les attirer, une fois leur curiosité piquée, ils chercheront à déchiffrer le message et à comprendre le sens. L’œuvre sera appréciée à sa juste valeur par son observateur après que vous lui aurez dévoilé quelques secrets (explications). Nous sommes dans le tiers de l’art contemporain. Malgré sa montée fulgurante en popularité, son marché de clients potentiels est plus restreint. Pour compenser le plus faible taux de ventes et pour vous accorder le temps et l’espace nécessaires pour atteindre votre finalité, c’est-à-dire trouver le moyen de rendre votre concept, vous avez accès à des bourses. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, vous me direz… Je ne pourrais le nier ! Si vos yeux avaient d’emblée rebondi vers la droite, en tant qu’artiste, vous êtes dans une démarche où la recherche et vos réflexions priment sur le résultat. Art actuel, art relationnel, art infiltrant sont autant de dénominations pour qualifier un travail artistique qui est en mouvance, en évolution et dans un processus constant de définition. Vous êtes un artisan du choc : toujours en train de surprendre et de nous amener un peu plus loin dans notre conception de l’art. Vos œuvres, qui consistent plus souvent à une expérience, peuvent difficilement être acquises par le public. Vous vous inscrivez dans le créneau des subventions, avec l’appui des centres d’artistes et de certains centres d’exposition, qui laisse toute la place à votre démarche. Si après cette lecture, vous avez des doutes, je ne vous blâme pas ! Il y a ça avec l’art : c’est tout en nuances. Votre position n’est pas fixe. Je crois aussi que l’artiste peut avoir diverses personnalités artistiques et évoluer dans plus d’un cadran du schéma. Vous devez considérer ce graphique comme une carte vous permettant, avec des points de repère, de vous situer dans le segment du marché de l’art qui correspond le mieux à votre pratique du moment. Photo de Sabrina Brochu : Daniel Bouguerra
Le marketing est défini comme étant l’ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l'égard des biens et des services et d'adapter la production et la commercialisation aux besoins ainsi précisé.
D’allure résolument plus jeunes ces maisons mobiles rencontrent les attentes d’une clientèle toutefois peu nombreuse puisque les municipalités sont peu ouvertes à l’implantation de parc de maisons mobiles sur leur territoires. Les exigences de superficies des terrains et des maisons qui y sont construites rendent impossibles l’implantation de telles constructions. Pour cette raison la formule est réservée à une clientèle aux habitudes de vie plutôt nomades et chose surprenante, ils sont en nombre suffisant pour faire vivre cette industrie. Il s’agit d’un exemple ou les efforts de marketing se sont malheureusement butés à la réticence des cités et villes à voir renaître une formule urbaine à cause d’une certaine connotation de pauvreté. Pour la plupart, les parcs de maisons mobiles sont en retrait des villes et souvent voués à un usage estival. Un pas de plus a été franchi par une entreprise qui a eu l’ingéniosité de développer une formule originale au nord de Val-David et qui répond aux besoins d’un segment d'une population à revenus modestes : des mini-maisons réunies dans un projet d’ensemble ou les objectifs sont de minimiser les coûts de l'habitation, procurer un milieu proche de la nature tout en favorisant une empreinte écologique faible et une certaine autonomie alimentaire. Le projet est d’autant plus méritoire que l’entrepreneur a dû mettre efforts et énergies afin d’obtenir de la municipalité un zonage particulier pour permettre la construction de maisons de très petite superficie et un plan d’urbanisme particulier pour la disposition des maisons en îlots. Photo : Habitat Multi Générations Le plan du projet (photo 2) illustre la planification d’ensemble ou plusieurs stratégies ont été mises en œuvre afin de parvenir à un coût d’acquisition plus que raisonnable. Les maisons sont positionnées en petits îlots regroupés, une partie significative de chaque lot est l’objet d’une servitude (équivalent à 25% de la superficie du terrain) ou l’on crée une bande de terrain collective au centre de ces îlots. Les propriétaires peuvent y réaliser des aménagements qui coûtent moins cher collectivement: serre, permaculture, poulailler, jeux pour enfants ou toute autre installation de production alimentaire ou de loisir. Conscient de la précarité financière de la clientèle visée le promoteur offre, pour aider à amasser le capital de départ et à honorer les paiements, un système d’échange d’heures de travail contre des crédits applicables à l’achat de la maison. Les propriétaires auront la possibilité d’implanter au besoin des bâtiments secondaires sur leur lot afin de mettre en place des activités d’affaires à titre de travailleurs artisans, leur fournissant un revenu substantiel de travailleur autonome. Cette idée d’intégrer de nouvelles activités économique au projet a été retenue dans l’optique ou le développement dans son ensemble a pour préoccupation sociale de contribuer significativement à la revitalisation d’un village et de la région dont il fera partie. Photos d’Alain Roberge, issues de l’article de Carole Thibaudeau "Vivre dans 308 pieds carrés", La Presse du 20 juillet 2015. Il en résulte un projet fort sympathique dont le coût de réalisation permet d’acquisition d’une première maison pour environ 85 000$ pour une unité de 365 pieds-carrés incluant une mezzanine et qui fonctionne en partie à l’énergie solaire. Le tout dans un environnement qui correspond aux attentes et aux valeurs d’une population jeunes de plus en plus branchés aux valeurs axées sur la conservation de l’énergie, le respect de l’écologique et un retour vers un environnement plus naturel. Un bel exemple de recherche, d’innovation et d’originalité favorisant le retour ou le maintien des jeunes en régions, aux retombées positives indéniables. Comme quoi le marketing peut servir à des fins plus utiles que d’annoncer à la télévision les vertus exceptionnelles et révolutionnaires d’une voiture dont le haillon arrière s’ouvre automatiquement d’un mouvement du pied sous le pare-choc… Photo de Pierre Laurin : Daniel Bouguerra
Libre sans eux Le merveilleux livre La femme qui fuit fut une belle découverte en 2017. Il y a de ces femmes qui auraient voulu vivre une vie différente, une vie de pleine liberté et d'exil. Des femmes qui se retrouvent mères sans l'avoir vraiment désiré et qui abandonnent leur rôle faute de désir et de bonheur. Il y a des femmes qui ne peuvent vivre libres avec eux. Anaïs Barbeau-Lavalette nous raconte avec brio et une grande sensibilité la réalité fictive de sa grand-mère, qui a abandonné sa fille et son fils pour vivre sa vie ailleurs, loin de ses grandes responsabilités, qu'elle n'avait peut-être pas réellement choisies avec plaisir. Elle nous dévoile une femme qui, pour trouver le bonheur, a fait le choix de quitter sa famille pour toujours. Une femme qui, dans l'absence, semble n'avoir trouvé qu'un grand vide. Elle nous raconte sa première rencontre comme si elle pouvait se souvenir de chaque détail, peut-être pour combler ce mystère de ne pas avoir connu réellement cette femme. "La première fois que tu m'as vue, j'avais une heure. Toi, un âge qui te donnait du courage... Ma mère venait d'accoucher de moi... Elle est la plus belle du monde. Comment as-tu fait pour t'en passer ? Comment as-tu fait pour ne pas mourir à l'idée de rater ses comptines, ses menteries de petites filles. Ses dents qui branlent... ? Où est-ce que tu t'es cachée pour ne pas y penser? Je me retrouve près de ton visage. Je bouche le trou béant de tes bras. Je plonge mon regard de naissante dans le tien. Qui es-tu ? Tu t'en vas. Encore." Ce vide qui lui appartient Puis, il y a des traces de son absence qui s'inscrivent tout au long de notre lecture. Des traces de ce vide et de ce froid qui nous assaillent violemment malgré la douce discrétion de ses départs. Anaïs révèle, avec délicatesse, la tristesse d'une femme seule malgré tout, malgré la présence de gens qui l'aiment par-dessus tout. Une femme qui ne semble jamais réussir à s'aimer, à comprendre qui elle est réellement. C'est donc l'ombre d'une femme qui habite ses pages. Une silhouette diaphane qui s'effrite au fil des chapitres, qui pourrait facilement tomber dans l'oubli si ce n'était pas de ce livre, qui lui permet de renaître un instant. "Tu reviens chez toi en ébullition. Les jours reprennent leur cours, mais tu les traverses autrement, portée par le courant. Tu sais maintenant que tu as un ailleurs. Ce que tu ne sais pas, c'est que tu en auras toujours un, et jamais le même. Ce sera ta tragédie." Une femme qui ne trouve sa place nulle part dans le monde. Ni auprès de ses enfants, ni auprès de grands hommes et de femmes qu'elles côtoient. Les phrases coulent et décrivent une solitude, une peur de vivre dans la vérité de son être. Le désir de trouver L'auteure et petite-fille de cette femme absente, décrit l'incohérence, la grande difficulté d'attachement de sa grand-mère Suzanne Meloche. Peut–être qu'en écrivant ces lignes, retrouve-t-elle la force de lui pardonner cette fuite constante. Peut-être que ces lignes lui permettent de mieux comprendre cette souffrance insoutenable qui habitait sa grand-mère. Ce manque d'amour malgré les vagues de douceur et les gestes affectueux de son entourage. Cette soif de désir qui l'envahit, qui prend toute la place de l'engagement. "Parce que je suis aussi en partie constituée de ton départ. Ton absence fait partie de moi, elle m'a aussi fabriquée. Tu es celle à qui je dois cette eau trouble qui abreuve mes racines, multiples, profondes. Ainsi, tu continues d'exister. Dans ma soif inaltérable d'aimer. Et dans ce besoin d'être libre, comme une nécessité extrême. Mais libre avec eux. Je suis libre ensemble, moi." Elle termine son livre sur l'empreinte que laisse le passé sur elle, mais surtout sur cette transformation du cœur à l'image de sa propre volonté et de son expérience de la vie. Malgré l'absence du soleil qui a marqué sa famille, son livre redonne l'espoir d'une vie nouvelle dans la possibilité de se reconstruire une belle lumière. En se souvenant de ce qui a déjà existé avec beaucoup d'amour, peut-être. Photo de Marie-Belle Ouellet : Daniel Bouguerra
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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