Les années passent, les temps changent et les méthodes d’éducation aussi. Je me souviens que lors de mes études secondaires, effectuées en France, nous avions des cours d’histoire de la musique et d’histoire de l’art. Oh! Pas plus d’une heure ou deux par semaine, mais suffisamment pour donner quelques couleurs à notre culture générale et nous permettre de ne pas paraître complètement ignares lors d’une discussion sur Chopin ou Vivaldi, ou encore sur le cubisme ou l’impressionnisme. Un petit vernis bienvenu qui pouvait donner à certains l’envie d’en découvrir volontairement encore plus sur certains sujets, notamment au travers de livres ou de documentaires, puisqu’à l’époque nous n’avions pas la chance de pouvoir "Googler" et d’avoir accès à l’incroyable source de connaissance que représente aujourd'hui internet. Personnellement, même si je suivais ces cours avec un certain intérêt, je les trouvais beaucoup trop théoriques et magistraux, avec un contenu qui ne me faisait pas vraiment vibrer. En tous cas, pas suffisamment pour m’inciter à vouloir en découvrir plus que le programme scolaire ne me proposait déjà. C’est ce que je pensais, jusqu’au jour où l’un de mes professeurs, profitant de l’atmosphère décontractée d’une fin d’année, se mit à nous parler des grands maîtres de la peinture, non pas au travers de leurs œuvres ou de leur talent, mais en évoquant tout simplement les hommes… leur quotidien, leurs petites manies, leurs tics, leurs névroses et parfois même leur folie. Ce jeune professeur avait su, lors de ce dernier cours de l’année, nous plonger dans un monde insolite, anecdotique, voire même ludique, et là... j’ai vibré; là, j’ai allumé et là, j’ai ressenti l’envie d’en apprendre beaucoup plus sur Dali, Picasso, Van Gogh ou encore Millet. Ce professeur avait réussi à faire en une petite heure ce qu’il n’était pas parvenu à faire pendant toute l’année : éveiller ma soif de savoir. Puis, ce fut l’effet boule de neige… en m’intéressant à ces femmes et à ces hommes, avec leurs petits défauts et leurs travers, c’est finalement les l’artistes - les maîtres - que j'ai découvert et leurs œuvres que j’ai appris à apprécier, pour finalement ressentir un intérêt grandissant pour ce monde de l’art dans lequel je venais de pénétrer par une porte dérobée. Si j’évoque aujourd’hui cette tranche de vie scolaire et lointaine, c’est que j’ai vécu une expérience à peu près similaire il y a peu de temps, même si les rôles étaient un peu inversés. Alors que je faisais des photos l’année dernière au skatepark de Vaudreuil-Dorion, j’ai engagé la discussion avec trois ados qui prenaient une pause sur l’un des bancs du parc. Tout en parlant de tout et de rien, de photo et de skate, je remarquais que deux d’entre eux avaient une planche à roulettes de marque Quiksilver. Une observation qui m’incita, quitte à paraître bizarre, à changer de sujet en leur demandant s’ils avaient déjà entendu parler du peintre japonais Hokusai. À la manière avec laquelle ils m’ont répondu que non, je compris très vite que je m’étais aventuré sur un terrain où je risquais de perdre rapidement leur attention… Je leur fis alors remarquer que Hokusai avait à sa manière marqué l’histoire des sports de plein-air, notamment celle du skate, grâce à l’une de ses œuvres qui est rapidement, et inconsciemment, devenue un symbole pour des dizaines, peut-être même des centaines de milliers de jeunes dans le monde… y compris pour eux! Surprise, étonnement, éveil de l’intérêt… Je venais de piquer leur curiosité et ils voulaient visiblement en savoir un peu plus. En leur montrant le logo de la marque Quiksilver, celui-là même qui était visible sur leurs planches à roulettes, leurs casquettes et leurs sacs à dos, je leur ai expliqué qu’il était inspiré de l’œuvre la plus célèbre de Hokusai : La Grande Vague de Kanagawa, plus connue sous le nom de La Vague. Une petite recherche rapide sur internet, via mon cellulaire, me permit de leur montrer l’œuvre et de susciter alors toutes sortes de questions : Est-ce que Hokusai était toujours vivant? Avait-t-il été payé par Quiksilver? Quelle est la dimension de l’œuvre? Était-elle dans un musée? Tout comme moi, quelques décennies plus tôt, ces jeunes venaient d'entrer dans le monde de l’art par la porte de l’insolite, de l’anecdote et de la petite histoire. En les quittant, je me disais qu’ils en parleraient probablement avec leurs parents, qu’ils seraient fiers de l’apprendre à leurs amis et que, comme je l’avais fait moi-même à leur âge, ils essaieraient peut-être d’en savoir un peu plus sur cet artiste japonais dont ils ignoraient tout quelques minutes auparavant. Quel que soit l’univers, qu’il s’agisse d’art, de science, de politique ou encore de technologie… s’il est démontré que l’anecdote, l’insolite et les petites histoires en facilitent l’approche, pourquoi ne pas exploiter un peu plus cette méthode qui a au moins l'avantage de nous donner l'envie... d'apprendre et d'en savoir un peu plus. Et si nous laissions la Grande Vague de Kanagawa faire... des vagues! Photos : Quiksilver / Photo de Christian Gonzalez : Daniel Bouguerra
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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