Un monde qui change au quart de tour, une cadence qui nous impose d’être toujours plus productif et ce nécessaire besoin de vouloir toujours atteindre la perfection sont autant de facteurs de stress, d'inquiétude, voire même de découragement pour certains. Dieu merci, il y a le wabi-sabi! Ce terme japonais, qui n'a rien à voir avec les sushis, énonce un principe d'esthétique qui pourrait se définir comme l’imperfection dans la beauté et pourquoi pas... comme la beauté de l'imperfection! C’est le maître Sen No Rikyū (1522-1591) qui a posé les fondations de cette philosophie pratiquée aujourd’hui à travers le monde, notamment au travers de la cérémonie du thé. Le wabi-sabi (侘寂) désigne un concept esthétique qui réunit deux principes : le wabi qui fait référence à la plénitude que l'on peut éprouver face aux phénomènes naturels et le sabi, qui pourrait se définir comme l'appréciation de l'ancien, cette sensation que l'on peut éprouver face aux choses dans lesquelles on peut déceler le travail du temps (vieillesse des êtres et des choses, patine des objets). Autrement dit, le wabi-sabi c’est apprendre à retrouver la beauté dans sa plus simple expression, dans le dépouillement, dans la rusticité…. dans les choses, telles qu’elles sont. Une simple fleur parfaitement disposée sur une planche de bois vieilli l'exprime très bien.
L'esprit du wabi-sabi n'a rien d'une mode... c’est un principe de vie née autour de l’idée du vide, du silence, de la modestie et d’une certaine austérité raffinée. Même si ce sont les maîtres de l’art japonais, ces artistes à l’esprit zen, qui ont su perpétuer le wabi-sabi par leurs pratiques exemplaires - l’art du thé, l’art floral ikebana, l’architecture, la calligraphie, la céramique, la musique, la poésie - cette philosophie millénaire se propage encore aujourd’hui car l’homme a visiblement besoin de reprendre contact avec l’essentiel et de réapprendre à se contenter de ce qu’il a en l'appréciant. Sensible à toute forme d’art, j’ai toujours eu une certaine attirance pour pour ce mode de pensée avant même que j’en connaisse l’existence. J’apprécie tout ce qui prône l'harmonie avec la nature, la beauté sans artifice, la spontanéité et l'absence de prétention de l'imperfection naturelle. Cette forme, m’inspire et confirme mon intérêt à produire des œuvres ou l’esthétisme s’exprime dans sa plus simple expression. Il évoque pour moi la quintessence d'une beauté capable d'affronter le temps, malgré le sentiment de fragilité qu'il évoque. C’est par ce chemin que j’ai pris la mesure de ma condition d’artiste et ma raison de créer. Les matières brutes sans sophistication, la beauté des objets qui ont du vécu, les vieux meubles, les objets récupérés, tous porteurs du savoir-faire des anciens et d'années d’histoire cumulées, m’attirent et m’inspirent. C’est un peu à cause de cette philosophie japonaise que j’ai développé le goût de la recherche et l’expérimentation avec une lente maturation d'idées dont je ne vois jamais le bout. Si l’art résulte de l’alliance étroite de l’idée et de la forme, je comprends mieux pourquoi j'aime créer avec des éléments recyclés et pourquoi j’ai tant de plaisir à transformer la matière. Cette force qui, comme un aimant sur une boussole, me donne l’envie d’agir et de rendre à la nature ce qu’elle m’offre jour après jour. Si tous les artistes n'empruntent pas cette voie, je constate néanmoins que depuis quelques années, l'art et la culture semblent de plus en plus s'imprégner des notions et des valeurs essentielles mises en avant par les principes du développement durable. Je suis très heureuse de voir que de plus en plus de créateurs adhèrent à ces valeurs et que de nombreuses oeuvres publiques sont désormais empreintes de cet esprit. Ce n'est peut-être pas encore du wabi-sabi, mais ça commence à y ressembler... Selon Christopher A. Weidner, expert en feng shui, "le wabi-sabi signifie se consacrer à l’essentiel, être pleinement soi - rien de plus, rien de moins". Nous portons tous en nous tout ce dont nous avons besoin pour nous sentir heureux et créer. Il suffit de s’en tenir à notre passion et rester authentique. Photo de Madeleine Turgeon : Daniel Bouguerra
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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