Si l’art m’a toujours intéressé, je dois avouer que j’ai mis quelques années avant de pouvoir l’apprécier sous toutes ses formes et dans la totalité de son expression. Disons que, de l’adolescence et jusqu’à début vingtaine, c’est surtout la peinture qui attirait mon regard et mon attention, mais pas n’importe laquelle… celle des grands maîtres. La précision du trait, l’harmonie des couleurs, le traitement de la lumière et des ombres, l’équilibre d’une composition ou encore la justesse d’une perspective étaient pour moi des critères essentiels, les seuls qui pouvaient guider mes pas vers une exposition, m’inciter à regarder un documentaire ou m’inviter à consulter un livre sur l’art. De la Renaissance à une époque plus contemporaine, je pourrais vous citer une multitude de noms illustres qui ont éveillé ma curiosité et dont j'admire les œuvres, mais celui que je trouvais le plus décevant était sans conteste Picasso.
Inutile de vous dire qu’à cette époque-là l’art abstrait me dépassait littéralement et que je considérais tous les artistes de cette mouvance comme des charlatans. Mais étaient-ce vraiment des artistes? Faire des "taches" de couleur sur une toile qui ne représente rien et prétendre que c'est de l'art en intellectualisant un peu le processus créatif me semblait complètement absurde et surtout trop facile. Certains allaient même jusqu’à prétendre laisser libre cours à l’imagination du spectateur : "je dépose de la peinture sur la toile, je lui laisse le temps de prendre des formes aléatoires que je retravaille pour créer une œuvre que l’imagination de celui qui la regarde pourra interpréter à sa guise". Décryptage : Je crée une merde en espérant que l’imbécile heureux qui va l’acheter y voit du chocolat. De qui se moque-t-on? C’est en tous cas comme ça que je percevais l’art abstrait à cette époque-là et j’ai vite appris à faire la différence entre Art et décoration. Un tableau abstrait pouvait très bien avoir un effet magique au-dessus de ma cheminée, ce n’est pas pour autant que je le considérais comme une œuvre d’art. Ce n’était, et ça ne resterait, qu’un simple objet de décoration.
Un jour (il y a une quarantaine d'années quand même) l’une de mes amies me propose d’aller faire un tour dans une galerie parisienne où l’un de ses artistes préférés exposait. Un peintre abstrait dont je ne me souviens même plus du nom car d’emblée je m’étais programmé pour que cette visite ne laisse aucune trace dans mon cerveau. Bon gré mal gré, je l’ai accompagnée, surtout pour lui faire plaisir, et c’est d’un œil distrait et faussement intéressé que j’ai fait semblant de passer un bon moment. Sauf, qu’au détour d’un couloir de la galerie, j’ai marqué le pas devant un tableau en particulier. Je me suis arrêté malgré moi et j’ai… admiré. Pourquoi ? Je n’en sais strictement rien. Cette toile ne représentait rien, rien que mes yeux ne pouvaient identifier, analyser ou comprendre. Balayant tous les critères qu’étaient les miens, elle est parvenue à traverser tous les filtres imposés par mon regard pour venir parler à mon cœur. J’ai ressenti une émotion devant cette toile que j’aurais pu immédiatement acquérir si j’en avais eu les moyens. En l’achetant, ce n’est pas qu’une œuvre ou une signature que j’aurais achetée, mais aussi et surtout une émotion que j'aurais aimé conserver à jamais. C’est cette capacité de nous émouvoir et de nous faire réfléchir qui fait de l’homme un véritable artiste. Si un musicien est capable de nous inspirer de la tristesse, de la joie, du bonheur ou encore de la nostalgie en quelques notes, l’artiste-peintre, le vrai, peut aussi le faire en quelques traits et quelques touches de couleur. "L’Art est une émotion, pas une sensation" John Cowper Powys
"Il y a des peintres qui transforment le soleil en une tache jaune, mais il y en a d’autres qui, grâce à leur art et à leur intelligence, transforment une tache jaune en soleil" disait Picasso… je ne pouvais trouver meilleure conclusion. Christian Gonzalez
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