Pour avoir le plaisir de parcourir de nombreuses expositions et d’assister à maints vernissages, j’avoue avoir un petit faible pour les expositions collectives qui me permettent de mesurer l’étendue du talent de nos nombreux artistes mais aussi de poser un regard sur une multitude de techniques et de sensibilités. Ce fut le cas encore récemment avec l’exposition "Entre-Nous", qui est tous les ans organisée par la Maison Trestler de Vaudreuil-Dorion. Si je mentionne particulièrement celle-ci c’est surtout parce que c’est l’une des expositions qui regroupe le plus grand nombre d’artistes. Ils sont quelque quatre-vingts à y participer chaque année et, comme c’est toujours le cas lors de n’importe quelle exposition collective, les femmes artistes sont non seulement omniprésentes, mais elles sont très largement, mais très largement majoritaires. Pourquoi ? Je me suis souvent poser la question… Ont-elles plus de temps que les hommes? Ont-elles plus de talent? Sont-elles plus inspirées? Plus productives? Les artistes masculins seraient-ils moins enclin à exposer leur travail? Je n’en sais strictement rien et aucune des réponses que l’on pourrait apporter à ces questions ne me satisferait. Je me contenterai donc d’en faire l’agréable constat car voilà au moins un domaine dans lequel les femmes ne sont pas sous-représentées. Pourtant, ce ne fut pas toujours le cas et rares sont les femmes qui purent, avant la seconde moitié du XXe siècle, s'affirmer dans ce domaine, accéder à une reconnaissance et surtout au statut de créatrice, de "femme artiste", même si quelques exceptions existent notamment au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, où, en Europe, apparaissent de fortes personnalités que l'histoire de l'art a très tôt reconnu comme telles. Femmes artistes depuis la nuit des temps Même si dès l'Antiquité, les femmes étaient associées à la production d'objets artistiques et à de nombreuses disciplines dites classiques comme la peinture, la sculpture, la gravure, ou l’architecture, elles sont restées plus ou moins marginalisées ou peu considérées. Au Moyen Âge, les femmes avaient l'habitude d'œuvrer aux côtés des hommes : l'enluminure, la broderie, ou les lettrines sont des exemples courants de la production artistique féminine de l'époque. Bien que quelques noms d'artistes percèrent au cours de cette époque, la très vaste majorité femmes, notamment des enlumineuses reste inconnue. À cette époque-là, comme pendant la Renaissance d’ailleurs, de nombreuses femmes artistes travaillaient dans des ateliers sous la direction d'hommes qui étaient souvent leur propre père ou leur frère. Les productions des ateliers étaient signées par le maître, pour signifier une qualité de la production, et non pour individualiser l'œuvre : il est donc difficile de différencier les productions des différents artistes d'un même atelier. Malgré cet anonymat, des artistes laïques obtinrent pour la première fois une renommée internationale au cours de la Renaissance. Les bouleversements culturels, comme l'humanisme, peuvent sans doute expliquer cet essor des femmes artistes. Cependant, la laïcité comme foyer de l'émancipation par les arts n'était pas la règle : le voile, la retraite monastique, permit encore longtemps aux femmes d'échapper à la servitude du mariage et de s'épanouir malgré tout en tant que créatrice entre les murs… mais le long chemin vers l’émancipation semblait se dessiner, d’autant que le Livre du courtisan de Baldassare Castiglione, imprimé à Venise en 1508 fut extrêmement populaire en recommandant notamment d'éduquer les jeunes filles aux arts et aux lettres. Mise à part le cas de la mystique Caterina dei Vigri (dite Catherine de Bologne), qui semble unique, apparaissent en Italie, un siècle plus tard, au milieu du XVIe siècle, un nombre important de femmes artistes peintres, issues de différentes écoles ou ateliers, mais qui n'accèdrent jamais au statut de "maître" car elles devaient se cantonner à des sujets bien précis : le nu leur était interdit et toute représentation de la violence était mal vue. Cependant, au sein de l'école romaine on vit s’épanouir Lavinia Fontana qui fut très appréciée des papes Grégoire XIII et Clément VIII ou encore la maniériste Sofonisba Anguissola, qui devint peintre officiel de la cour d’Espagne. Dans le sillage des mouvements féministes
Pourquoi n'y a-t-il pas de grandes femmes artistes ?
C’est vrai qu’aujourd’hui les femmes sont très largement représentées dans toutes les disciplines des Arts visuels, de la peinture à la sculpture, en passant par le "street art", la mosaïque ou encore la céramique. Pourtant, malgré cette reconnaissance gagnée depuis un siècle et bien qu’omniprésentes dans toutes les sphères de la représentation artistique, elles le sont beaucoup moins au tableau d’honneur des ventes.
Les résultats des ventes aux enchères représentent toujours un bon indicateur de la santé du marché de l’art. En consultant le Top 100 des résultats de ventes 2016, mis en ligne par Artprice, on constate que seules 4 femmes y sont présentes et plutôt dans le bas du tableau : Georgia O’Keeffe à la 62ème place, Agnes Martin à la 76ème, Joan Mitchell à la 86ème et enfin Jenny Saville à la 96ème… Si l’art n’a plus de sexe en 2017, le marché de l’art serait-il toujours sexiste ? La question reste posée… Les commentaires sont fermés.
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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