En 2016, le marché de l’Art s’est consolidé en Occident et a consacré la Chine dans son rôle de première puissance mondiale, avec une avance implacable de 1.3 milliard de dollars sur les États-Unis. C’est ce que nous indique Artprice, leader mondial de l'information sur le Marché de l'Art, dans son bilan annuel. Ce marché démontre désormais une maturité qui lui permet de s’affirmer comme un véritable placement alternatif avec 12.45 milliards de dollars d’enchères publiques. On peut désormais parler du Marché de l’Art comme d’un secteur économique à part entière. Ce résultat étonnant, compte tenu de l’économie, affiche une hausse de 291% depuis 2000. Cette croissance repose en grande partie sur la mondialisation du marché ainsi que sur l’intensification du segment haut de gamme en Occident, même si on peut noter un certain tarissement des chefs-d’œuvre exceptionnels. Ce qui n’a pas empêché Monet de signer le record mondial de 2016 avec La Meule, pour une somme de 81.5 m$. Fait significatif, le tiers des artistes présents dans le Top 500 sont chinois et le premier de ce classement l'est également, Zhang Daqian, avec 355 millions de dollars, alors même que les grands collectionneurs de ce pays diversifient de plus en plus leurs acquisitions. Conscients de la mutation de leur marché intérieur, ils misent sur les grandes signatures occidentales anciennes, impressionnistes, modernes ou contemporaines, après avoir fait flamber les prix de leurs compatriotes. 700 musées créés chaque année et une incroyable montée en charge d'internet Les enchères les plus spectaculaires ne répondent plus à des caprices de milliardaires, car l’achat de chefs-d’œuvre relève d’une stratégie économique bien rodée : un Gauguin, un Modigliani ou un Van Gogh majeurs sont l’assurance d’un rayonnement culturel planétaire et d’un taux de visiteurs exponentiel dans une industrie muséale devenue une réalité économique mondiale. Avec 700 nouveaux musées créés par an, il s’est construit plus de Musées entre 2000 et 2014 que tout au long des XIXème et XXème siècles. Si cette industrie dévoreuse de pièces muséales est l’un des facteurs primordiaux de la croissance spectaculaire du Marché de l’Art, l’omniprésence d’internet devient désormais le fer de lance principal des Maisons de Ventes de tous pays, au cœur de leur stratégie de conquête sur tous les continents. 97% des 6.300 maisons de ventes dans le monde sont aujourd’hui présentes sur internet (elles n’étaient que 3% en 2005). Christie’s comme Sotheby’s et les Majors ainsi que le reste de la profession ne conçoivent leur avenir que par internet où elles enregistrent des progressions de plus de 110%. Source : Artprice. Et moi, et moi... et moi ? Ce bilan prometteur qui s’appuie notamment sur les ventes aux enchères de maisons et de galeries parfois prestigieuses, peut paraître déconcertant vu de notre petite fenêtre, quand on est un artiste de Saint-Lazare, de Joliette ou de Longueuil. Au Québec, comme ailleurs, les galeries d’art semblent fermer leurs portes les unes après les autres et bon nombre d’artistes professionnels - et par ailleurs très talentueux - sont encore et toujours incapables de vivre de leur passion. Sauf si elles présentent des oeuvres d'artistes de réputation internationale, les expositions ne sont plus aussi courues qu’elles ne l’étaient et le public qui assiste à des vernissages se limite bien souvent à la famille, aux amis et aux proches de l’artiste qui expose, notamment en région. Cela semble un peu exagéré, mais c’est souvent la triste réalité. À qui la faute ? Certainement pas au public… On peut bien-sûr évoquer une situation économique défavorable ou instable, un manque d’intérêt ou d’éducation du public, pas assez de vulgarisation ou encore trop de sollicitations… même si ce sont des facteurs d’influence, ils ne sont peut-être que prétextes à justifier quelques réticences à la remise en question et au changement de la part de différents acteurs du milieu de l’art. Certains connaissent aujourd’hui le même désarroi que les chauffeurs de taxi face à une arrivée brutale d’Uber qui a remis en cause toute une profession devenue dramatiquement poussiéreuse. Oui, il y a d’autres méthodes et d’autres moyens de faire. Oui, il y a d’autres attentes du public et oui nous disposons désormais de moyens technologiques extraordinaires et souvent gratuits pour communiquer, annoncer, présenter, vulgariser… et se faire connaître. Artiste professionnel : plus qu'un statut, c'est aussi un mode de fonctionnement L’Art a le vent en poupe mais face à la montée en charge d’une multitude de pseudo-artistes et de pseudo-professionnels de la diffusion, ceux qui ont une réelle démarche artistique et un talent reconnu doivent savoir séparer le grain de l’ivraie. Ils ne peuvent plus se contenter d’exposer n’importe où, n’importe comment et avec n’importe qui. Ils ne peuvent plus se contenter du trop traditionnel vernissage sous forme d’un 5 à 7 avec vin et fromage annoncé par un simple communiqué de presse (qui sera relayé ou pas). Ils ne peuvent plus se contenter d’un seul site internet, aussi beau soit-il, s’il n’est pas animé, dynamisé et sans cesse enrichi. Ceux qui pratiquent l’art pour le simple plaisir ne se sentiront pas concernés par ces propos, mais ceux qui veulent en vivre doivent prendre conscience que les temps ont changé… si les artistes sont responsables de leur production, ils doivent aussi désormais assurer leur service de communication, de vente et d’après-vente. C’est aussi en ces termes-là qu’on devient un vrai professionnel, c’est-à-dire un artiste capable de vivre de son art.
Les temps ont changé et les attentes du public aussi. Ce n’est pas pour rien que des institutions aussi conventionnelles et conservatrices que Christie’s et Sotheby’s se sont adaptées et ont pris d’assaut internet, comme la quasi-totalité des maisons de vente de la planète. J’aurai certainement l’occasion de vous en reparler… Photo de Christian Gonzalez : Daniel Bouguerra
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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