Il y a exactement 100 ans, en 1917, le cours de l'histoire de l'art a été complètement changé. Le fondateur du mouvement Dada, Marcel Duchamp présentait un urinoir comme oeuvre d’art pour l'exposition de The Society of Independent Artists à New York. Dans le monde de l'art, c'était la première fois qu'un simple objet de la vie quotidienne était présenté comme une oeuvre et passait à l’histoire. Duchamps, ainsi que le mouvement artistique italien né dans les années 1960, Arte Povera que l’on pourrait traduire par "l’art pauvre", ont été parmi les précurseurs de l’art recyclé, ou upcycling (recyclage créatif). En réalité, il n’a de pauvre que la matière première : des objets usés, des rebuts, des trouvailles glanées au hasard et qui retrouvent une deuxième vie. Les artistes ont vu partout dans le monde de nouvelles possibilités créatives dans les objets rejetés. Alexander Calder au cours des années 1930 et 1940 a fait des animaux capricieux à partir de boites de café tandis que Picasso a façonné en 1942 une tête de taureau à partir d'un guidon et d'un siège de bicyclette jetés. Pendant la Seconde Guerre mondiale et quelques années d'après-guerre, pénurie oblige, beaucoup de matériaux étaient recyclés. Les chemises en fin de vie étaient recyclées, les boutons soigneusement récupérés pour des travaux de couture ultérieurs, les manches séparées pour protéger les bras dans les travaux salissants ou pour cirer les chaussures, et le reste réutilisé comme chiffons pour nettoyer les vitres. Sonia Delaunay a été une des premières artistes du siècle à explorer l’intégration de textiles recyclés dans ses œuvres. Elle figure parmi les pionniers de l’abstraction et a marqué de son empreinte un siècle entier de création avec au delà de 400 oeuvres.
L’art et l’écologie Aujourd’hui, l’écologie est au cœur de toutes les préoccupations politiques, économiques et sociétales. Dans cette ère de sensibilisation accrue à notre environnement, l’art n’échappe pas à cette tendance et la pratique de la récupération artistique a le vent en poupe! Engagés socialement ou pas, les artistes qui créent à partir de matières recyclées sensibilisent à la question des déchets dans notre société de surconsommation. Nos bacs bleus de récupération sont pris d’assaut, les friperies ont gagné leurs lettres de noblesse et des tournées s’organisent dans les quartiers la veille de la collecte des résidus encombrants pour dénicher ce qui pourrait être transformé.
Les objets qui ont peu d'intérêt pour le commun des mortels représentent de véritables trésors pour les artistes du recyclé. Presque tout peut être transformé en une œuvre d'art et tant que vous ne brisez pas de règles pour l'obtenir, vous pouvez trouver votre prochain chef-d'œuvre à peu près n'importe où et absolument gratuitement. C'est bon marché, respectueux de l'environnement et maintenant, très tendance. Récupérées, laissées brut ou transformées, des matières telles que plastique, emballages alimentaires, textiles de toutes sortes, papiers et cartons, ferraille, poupées, objets manufacturés, CD, circuits informatiques... bref, toute la panoplie des déchets est devenue une réserve inépuisable pour les créateurs. Après avoir investi la mode, le courant écolo-responsable est arrivé dans nos maisons et devient un véritable art de vivre. Les architectes proposent des designs éco-responsables, les designers d’intérieur suggèrent des décors shabby-chic et les artistes en arts visuels s’éclatent en proposant des œuvres inédites dans la rue. Il y a de ces œuvres contemporaines qui nous marquent, certaines que l’on aime tout simplement, d’autres qui dérangent et il y a celles qui sont fondamentalement porteuses de sens, qui font réfléchir ou qui alimentent les conversations. Pour ma part, si je ne devais présenter que quelques œuvres réalisées à partir d’éléments recyclés et qui ont fortement façonné ma démarche artistique, c’est sans aucune hésitation celles-ci... De nombreux artistes basent leurs choix artistiques sur leurs préoccupations écologiques, mais également par défi de créer avec des matières inusitées. Cela étant dit, c’est nous qui choisissons d’adhérer ou non aux principes de développement durable. Je crois personnellement que c’est un choix et qu’il faut parvenir à un équilibre entre nos idées et des intentions qui impliquent forme et contenu. Le mouvement prend de l’ampleur et a été popularisé un peu partout dans le monde. Il possède aujourd’hui ses propres festivals, à l’image du Recycled Arts Festival de Vancouver ou le DRAP-ART organisé par la même équipe depuis 1995 avec un seul objectif : promouvoir le "recyclage créatif". Dans la région de Vaudreuil-Soulanges, le premier Festival de l’Art recyclé voyait le jour en septembre 2016 au Café de l’horloge de Rigaud. Il se tiendra à nouveau cette année, les 16 et 17 septembre prochains.
Photo de Madeleine Turgeon : Daniel Bouguerra
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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