J’aime beaucoup cette photo de Gérard Fuentes et Danièle Henkel prise il y a quelques temps au vignoble Côte de Vaudreuil. Danièle présidait cette année-là l’événement l’Art au vignoble et elle avait reçu en guise de remerciement un magnifique colibri que Gérard avait lui-même sculpté. Une vraie petite merveille de réalisme et de finesse! Gérard aimait faire de la moto et c’était un homme vraiment très prudent sur la route. Il avait même échangé sa Harley à deux roues contre un modèle à trois roues pour se sentir un peu plus en sécurité et minimiser les risques de chutes. En parlant de sa nouvelle moto, il disait avec humour "Elle est parfaite pour les papys". Malheureusement le 16 septembre dernier, alors qu’il circulait dans la région d’Alexandria en Ontario, il s’est fait percuter par un chauffard qui, sans la moindre petite lueur d'humanité, a préféré poursuivre sa route plutôt que de s'arrêter pour s’inquiéter de son sort et lui porter secours. Victime de plusieurs fractures et surtout d’un traumatisme crânien très sévère, Gérard n’a jamais vraiment repris conscience depuis cette date malgré des soins intensifs et de nombreuses interventions. Probablement fatigué de se battre et peut-être aussi un peu impatient à l’idée de pouvoir enfin retrouver là-haut sa douce Vivi qui lui manquait tant... comme ces oiseaux qu’il aimait tellement observer, Gérard s’est finalement envolé vers d’autres cieux le 6 décembre en fin de matinée. Aimé de tous, Gérard avait des amis sur toute la planète, sa famille l’adorait et la communauté artistique le respectait. Ornithologue passionné, il s’était attaché à la représentation sculpturale d’oiseaux sauvages, de canards et plus tard de rapaces. L’une de ses premières pièces obtint une mention à l’Omnium de Sculpture de Montréal 1998, puis une autre un 3e Prix au concours québécois de sculpture d’appelants en 1999. Depuis, il était devenu un habitué de podiums de plus en plus importants, au Québec, au Canada et surtout aux États-Unis. Ce fut notamment le cas au Northeast Waterfowl Festival, une compétition internationale qui se déroule à New Haven dans le Connecticut, alors que depuis 2002 il participait aussi tous les ans au Ward World Championship, championnat mondial de sculpture d’oiseaux qui se tient à Ocean City (Maryland USA). Une compétition prestigieuse qui réunit les meilleurs artistes du monde et d’où il ne reviendra jamais bredouille en y remportant de très nombreux prix. Il y sera même plusieurs fois sacré champion du monde dans les catégories dans lesquelles il présentait ses sculptures. Ce n'est pas rien ça! De la préparation de la pièce de bois jusqu’aux derniers détails sculptés et peints avec minutie, Gérard pouvait passer entre 400 et 600 heures pour réaliser l’une de ses sculptures. Ronald Cid du groupe Wildlife Wood Carvings que Gérard gérait sur Facebook a laissé un message mentionnant que les 5200 sculpteurs d’oiseaux de ce groupe international priaient pour lui. C’est vous dire à quel point il était connu, aimé et respecté par les artistes de cette communauté qui, très affectueusement, l’appelaient tous Gerry. Même si Gérard était un homme discret qui ne sollicitait pas la lumière des projecteurs, je trouve que son travail aurait mérité d’être plus souvent souligné. Je regrette vraiment qu’on ne lui ait pas donné plus de visibilité quand il était temps de le faire. J’aurais tellement aimé qu’on honore sa sensibilité artistique et son immense talent de son vivant par une grande et belle exposition solo quelque-part dans Vaudreuil-Soulanges. Ce ne sera malheureusement pas le cas et il restera probablement plus connu et apprécié des amateurs et du grand public aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Europe et ailleurs… qu’ici, dans sa propre région. Même en France Le Monde Magazine lui avait réservé plusieurs pages il y a quelques mois. C’est la raison pour laquelle, avec le recul et toute l’émotion que suscite sa disparition, je suis très heureux de lui avoir consacré ici même plusieurs articles et, il y a quelques années déjà, une page de présentation dans le répertoire des "Talents d’ici". Cette page restera toujours active! Merci à RDV.TV et à TVSO qui ont su détecter tout le talent et la sensibilité de Gérard en tournant ces deux vidéos que je conserve précieusement dans mes archives.
Cher Gérard, je devais t’aider à refaire ton site internet mais quand je suis venu chez toi à Rigaud nous avons finalement passé notre temps à boire du café, à refaire le monde, à rire et à nous souvenir des bons moments passés dans le pays lointain qui nous a vus naître. Nous avions les mêmes origines et ton accent, resté intact après des décennies de vie québécoise, me rappelait ma jeunesse... le soleil d'Afrique du Nord, la Méditerranée, le bleu du ciel, le parfum du jasmin et de la fleur d’oranger, la légèreté de la mouna de Pâques, le goût de miel des zlabias et l’odeur des gambas ou des sardines grillées à la plancha. Même si nous parlions beaucoup avec les mains, nous avons aussi beaucoup ri en nous souvenant des expressions colorées et du vocabulaire très imagé que nous utilisions là-bas. Les pieds-noirs, même les plus calmes, savaient élever la voix et certaines prises de bec, que ce soit dans la rue ou même de balcon à balcon, auraient pu effrayer n’importe lequel des patos. En français, en espagnol, en arabe, on était capables de se traiter de tous les noms en accompagnant nos colères de grands gestes quasi théâtraux. Méditerranéens nous étions et latins nous sommes restés. Mais on avait beau s’envoyer les pires insultes en pleine face, ça ne laissait jamais aucune trace, pas le moindre bleu à l’âme et ça n’a jamais réussi à égratigner une relation ou une amitié. Ça faisait partie de notre mentalité et après une altercation, même la plus violente, c’est autour d’un pastis ou d'une agua limon que nous nous retrouvions plutôt qu’au commissariat ou devant un tribunal. Enfin bref, en remuant tous ces souvenirs nous nous étions bien amusés de tous ces petits travers et de ces comportements qui finalement forgeaient notre identité. Évidemment, nous avons à peine ouvert nos ordinateurs ce jour-là et ce fut partie remise pour le site internet. On avait décidé de se revoir très vite, peut-être même autour d'une anisette avec un peu de kémia… Mais la semaine où je suis parti en France, toi tu as décidé de te faire plaisir en allant faire un tour de moto en Ontario. J’étais à Orléans quand j’ai appris que tu avais eu cet accident terrible. Depuis j’ai chaque jour, je dirais même chaque heure, suivi l’évolution de ton état grâce au groupe Messenger créé par tes fils Thierry et Patrick pour nous donner quotidiennement de tes nouvelles. Le cœur gros, espérant à chaque instant un message mentionnant que ta santé s'améliorait, je me contentais de lire ce qu’ils écrivaient sans jamais intervenir afin de laisser le maximum d’espace aux tiens. Tu peux vraiment être très fier de ta famille et de tes amis qui t’ont soutenu en t'envoyant une incroyable quantité d'énergie et une sacrée dose d’amour pendant ces longues semaines, d’où qu’ils soient sur la planète. En lisant leurs messages, souvent émouvants aux larmes, j'avais l'impression qu'ils te tenaient tous la main depuis ce foutu 16 septembre. Ça n’aura malheureusement pas suffi. Toujours prêt à rendre service, à aider, à partager son savoir, toujours prêt à relever n’importe lequel des défis, Gérard était aussi un ami fidèle et il vouait un véritable culte à sa famille qu’il adorait, à son clan. Bon et généreux, c’était un homme sur lequel on pouvait vraiment compter. Très sincèrement, je ne lui connaissais aucun défaut. Je regrette de ne lui avoir jamais dit. Il adorait la nature et la veille de sa balade en moto fatale il postait encore sur sa page Facebook les photos d’un magnifique coucher de soleil vu de chez lui, sans même imaginer que ce serait le dernier qu'il admirerait avant de fermer les yeux à jamais. Un homme bien nous a quittés. Ciao mon pied-noir québécois préféré, repose en paix l’artiste. Tu laisses une magnifique lumière sur la baie Quesnel et un putain de rayon de soleil dans nos coeurs. Et tu sais quoi... cette anisette je vais la boire tout seul en pensant très fort à toi. Tchin!
C’est avec une infinie tristesse que je présente à la famille de Gérard, ainsi qu'à ses proches, mes plus sincères condoléances, notamment à ses enfants et petits-enfants qui ont été exemplaires pendant cette épreuve particulièrement longue et difficile. Christian Gonzalez Les commentaires sont fermés.
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AuteurChristian Gonzalez Catégories
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